Distance
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61km
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Dénivelé
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1140m
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Durée de
pédalage
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4h56
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Moyenne
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12,4Km/h
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Col(s)
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Col
de la Tourne 1166m
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Canton(s)
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Fribourg
puis Neuchâtel
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Pays
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Suisse,
puis France
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Neuchâtel |
Mon petit tour de 7 jours en Suisse est terminé. J’y aurais
parcouru 460km et gravis 5400m de dénivelé.
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Lac de Neuchâtel (Suisse) |
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Neuchâtel |
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Neuchâtel |
C’est beau la Suisse, c’est propre, c’est calme… Mais c’est
cher. Mon budget (en cure d’amaigrissement sévère) est donc heureux de ce
retour sur le sol Français natal. Pour ma journée d’adieu à la Suisse, je
commence par longer longuement le lac de Neuchâtel. Puis je m’en détache
quelque peu et je m’élève à travers les vignes empruntant de minuscules routes
bordées de petits murs de pierres sèches. Depuis quelques jours, j’ai toutes
les audaces et j’utilise Google Maps en tant que routeur ; Google est mon
éclaireur, et je tente, malgré sa fourberie avérée, de me fier à lui. Sorte de
vice. Et je dois reconnaître que Google me guide à travers de charmants endroits
bien reculés ; de petites routes, me conduisent à travers villages et campagnes.
Agréable promenade. Mais Google est un fourbe a l’âme
de brute perverse ;
il se complet à me faire gravir d’impossibles pourcentages. Google fait la
promotion des vélos électriques (désormais excellents) qui tous, grimpent comme
Froome, Contador et Quintana réunis. 18% c’est le pourcentage du jour de Google ;
à 3 reprises sur des distances bien trop importantes pour mes petites jambes. Il
veut quoi Google, ma peau ? C’est raide. Mais mon honneur pâtirait que je posasse pied à terre. Alors je
serre les dents et je prie pour que mes rotules restent solidaires de mes genoux ;
il faut éviter d’éparpiller le matériel ! Surtout en Suisse, avec leur propreté
proverbiale, des morceaux de genoux dispersés partout sur la route, ça ne
passerait pas. J’irai surement en prison avant d’aller à l’hôpital. Ma vitesse ( ???) proche de l’immobilisme, frôle les 3km/h. Mes artères menacent de rompre, mon cœur bat la chamade et entre inconsidérément en zone rouge, mes 2 ventricules cardiaques s’affolent. Mon système de supervision crie au loup, au fou, au feu, au diable. Et puis le dénivelé se calme. Et moi aussi.![]() |
En montant vers le col de la Tourne |
Je monte en direction du col des Tournes. Petit col trapu.
1166m, mais de très fréquents dénivelés
à 9%. Arrivé au sommet, je meugle un peu avec les vaches environnantes.
Elles ont quant même un léger accent Suisse ces vaches ! Mais bon, on se
comprend tout de même. On papote sur la qualité des pâturages, sur la rigueur
du climat, sur le pour et le contre des trayeuses automatiques, sur les chiens
de bergers qui se croient intéressant lorsqu’ils nous aboient après… enfin sur
toutes ces petites choses si importantes dans une vie de vache. On meugle une
dernière fois, elles me disent que franchement, j’ai un meuglement très
franchouillard, puis je repars sur une ligne de niveau de 1200 mètres.
Le
paysage s’élargit. Ici c’est le royaume des vaches et des foins. On trouve même
des distributeurs automatiques de fromages sur ces plateaux Suisses !
Cette région qui rejoint Morteau par de toutes petites route est dénommé
« La Sibérie Suisse ». Et de fait, l’air y est frais. Je dois enfiler
ma veste malgré le soleil. Je roule m’enivrant des odeurs de l’altitude et de
la beauté des ces hauts plateaux vallonnés.
Et puis, une barrière Levée. Vous savez ces barrières rouges et blanches qui
marquent les frontières. Dans les films de guerre. Les contrôles. Les
tentatives de franchissements illicites. Les faux papiers, les passeurs. La
nuit. Caché dans les forêts de sapins. Une patrouille qui passe au loin. Attendre.
Chut, ne pas faire de bruit. Bâillonner le bébé, qu’il ne crie pas. Ne pas se
faire prendre ?
Avancer. Qui à la boussole ? Est-ce la bonne
direction ? Est-on déjà du bon coté de la frontière ? Ces militaires,
là-bas, de quelle armée sont-ils ? Allemands ou Suisses ? Ne pas
tomber dans les griffes de la Gestapo où de la Waffen SS. Courir, vite, plus vite.
Les balles sifflent. Ces sont des Allemands. Nous sommes du mauvais côté. Et la
douleur d’une balle qui me transperce. Je tombe. J’entends des cris. Images de
l’inconscient collectif véhiculé par les films ou quelques récits familiaux.
Heures sombres de l’histoire. Cette barrière douanière blanche et rouge, levée,
m’inquiète. Dois-je réellement m’engager sur cette petite route conduisant à
Morteau, en France. L’endroit est désert. Il y a bien quelques fermes ici et là
arborant fièrement le drapeau Suisse, mais personne autour. Pas un bruit, ni d’hommes
ni d’oiseaux, pas une présence, rien si ce n’est cet inquiétant silence. Je
reste planté là immobile devant cette barrière. Y aller ou pas ? La
franchir ou pas ? Ce paysage vallonné fait de petites forêts de sapins séparant
de petites surfaces cultivées ressemble à une zone interdite. Une zone tampon ?
J’y vais, je m’élance sur cette petite route déserte. J’ai franchis la
barrière. Elle est derrière moins maintenant. Je pédale. Vite dans les descentes,
lentement dans les montées. L’une et l’autre alternent sans cesse. J’ai froid
et je transpire en même temps. Toujours ce silence et cette solitude. Pédale. Avance.
Je pédale et j’avance de petites collines en petites collines, de forêts de
sapins en forêts de sapins, de champs en champs. Je pédale et j’avance. Toujours
personne. Pas âme qui vive. Et puis une nouvelle barrière. Encore blanche et
rouge. Encore levée. La frontière cette fois. La vraie. Matérialisée aussi par une auberge, côté Suisse, arborant les 2 drapeaux preuve de l’amitié de ces populations séparées par cette ligne. Je m’arrête de nouveau. L’endroit est désert, encore. Silencieux, encore. Je suis fatigué. J’ai froid. J’ai chaud. J’ai mal au dos, aux jambes, aux fesses. Je divague. J’ai quelques inquiétantes visions. Bruits de bottes. Langage guttural. Aboiements agressifs de bergers Allemands. Ordres lancés comme des coups de fouets. Uniformes kakis. Casques en fer. Et cette langue qui se confond aux aboiements. J’ai froid. Je suis fatigué. Et cette barrière blanche et rouge, levée, là. Je la franchis. Ça y est. J’y suis. Oui mais de quel côté ? A quelle époque ? La fatigue toujours et ces images de cauchemar qui me hantent, encore. Fatigué. Me reposer. Chercher un endroit pour me reposer. A Morteau, à quelques kilomètres, en bas. Pédaler et avancer. Je pédale et j’avance. 9 jours consécutifs que je roule : il me faut me reposer.
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