Distance
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129km
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Dénivelé
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966m
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Durée de
pédalage
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6h51
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Moyenne
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18,9Km/h
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Département(s)
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Alpes-de-Hautes-Provences (04), Var (83)
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Région(s)
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PACA
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Rocher de Roquebrune-sur-Argens |
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Rocher de Roquebrune-sur-Argens |
Hier, je ne vous ai pas tout dit. Pas le temps. Il était déjà
tard, j’avais déjà beaucoup blablaté et j’étais fatigué. Mais il faut que je
vous raconte deux faits divers qui m’ont marqué : un à mon réveil, hier matin
à Malaucène, cette charmante petite bourgade du Vaucluse qui avait la veille au
soir fêté sa libération, et un autre, à mon couché, à Volx un peu avant
Manosque.
Prenons les évènements dans leur ordre chronologique : celui
du réveil d’abord, l’autre du couché ensuite.

Hier matin au réveil, il faisait beau, la journée
s’annonçait bien. Je me dépêchais de remballer tout mon fourbi afin de ne pas partir
trop tard et de pouvoir me consacrer pleinement à mon étape du jour : le
Ventoux. J’avais presque terminé mon rangement et je commençais sangler mon
paquetage sur mon vélo lorsque mon voisin d’en face, un Allemand, m’interpella.
On s’était brièvement salué la veille. Je l’avais repéré. D’abord parce qu’il
était installé juste en face de moi (ou moi juste en face de lui, on ne va pas en faire un casus belli) et ensuite en
raison de mon intérêt pour son matériel roulant. Notre homme d’Outre-Rhin était
motorisé par un véhicule de loisir à tente de toit relevable, un VW California
Beach, utilitaire léger descendant en droite ligne des célèbres VW Combi ; véhicule qui avait la particularité d’avoir transporté, en sus de son
propriétaire, 2 vélos style demi-course, vélos à tout faire en vogue dans les années
70, et que je rentre dans la catégorie des vélos de grand-mère (ce qui loin d'être péjoratif est au contraire la reconnaissance de leurs grande utilité, de leurs capacité à s'adapter à toute sortes de situations et d'usages). Un coup d’œil
furtif nous avait permit d’évaluer respectivement le matériel de l’autre, puis nous
avions rapidement échangé, de loin, un salut poli ; et basta. Mais hier
matin, changement total de situation. Alors que nous nous en étions tenus jusque là à une situation diplomatiquement acceptable, à un face à face aussi prudent que distant, ne voilà t'il pas que mon Allemand de voisin se décida subitement à franchir le Rhin. Inquiétude dans les chaumières.
Mobilisation générale. Serait-ce là, la nouvelle guerre éclair Teutonique ?
La Blitzkrieg version 2017 ? Je sonnais l’alerte vite et fort, et je me tenais sur
mes gardes, l’arme au coté, chargée, sécurité libérée ; une nation avertie
en vaut 2. Donc, hier matin, mon chevalier Teutonique de voisin pénétra sur mon
territoire. Il traversa l’allée qui nous séparait et vint me voir. Directement.
Sans déclaration de guerre préalable. Alors maintenant, même le protocole fout le camp ! Arrivé
face à moi, et à ma grande surprise du fait de la longue histoire conflictuelle qui relie à leur corps défendant nos deux nations, mon prévisible ennemi coiffé de son casque à pointe me demanda à
conclure un pacte de non-agression. Et puis, il me raconta le sort funeste qui l'avait frappé durant la nuit.
Et là, il faut que je fasse une légère digression sur l’environnement du
camping.
Joli camping. Un peu barricadé, barrières, grillages, mais bon, tout cela
réalisé dans un style pas trop agressif.
Les emplacements de camping sont des parfaits rectangles, tous identiques. Le
camping s’étale sur 4 niveaux où chaque emplacement est disposé, de façon
parfaitement symétrique, de part et d’autre d’une belle allée bien droite et
bien parallèle à celle des autres niveaux. A chaque extrémité, l’allée
rectiligne se termine par un virage en épingle à cheveux permettant de relier
les différents niveaux. Tout le camping, allées et emplacements, est revêtu de
petits cailloux blancs du plus bel effet ; mais très bruyant dès lors que
l’on marche ou que l’on roule dessus. On ne peut se déplacer ici en silence.
Sous les cailloux, le sol est si dur que l’on croirait du béton. Armé. L’installation
de ma tente fut d’ailleurs un dur combat. Car ici le marteau piqueur s’impose pour
espérer pouvoir enfoncer la moindre sardine (piquet de tente). Si ce sol dur,
lisse et horizontal doit être une bénédiction pour les caravanes et autres camping-cars,
c’est un cauchemar pour les tentes. Et si j’ai pu dormir sous ma toile, je le
dois au marteau (un peu piqueur tout de même) que me prêta un voisin.
Bon, résumons : une allée en lacet reliant les 4 niveaux du camping, un
sol très bruyant car recouvert de petits cailloux blanc et un camping sécurisé
avec barrières et grillages, le tout placé à 100 mètres du panneau indiquant le
début du village, sur une petite route perpendiculaire à la route principale joignant
Malaucène à Vaison-la-Romaine. Malaucène cette mignonne petite ville si
charmante et si calme. Et bien c’est ici, dans ce camping, à 3 mètres en face
de l’ouverture de ma petite tente, que ce vacancier Allemand démilitarisé s’est
fait voler, cette nuit, ses 2 vélos. Bigre, bigre, bigre, et je n’ai rien
entendu. Personne n’a entendu ni vu quoique ce soit d’ailleurs. Malgré le tapis
de petits cailloux blancs recouvrant le sol et faisant un barouf de tous les
diables dès que l’on pose un pied ou un pneu dessus. Et qui peut bien avoir
l’idée, aujourd’hui, de voler 2 vélos demi-course, vélos pas du tout dans l’ère
du temps ? Pas des jeunes en tout cas : ils voleraient un VTT
aguicheur ou un vélo de course carbone aux formes si joliment épurées, mais
certainement pas un vélo demi-course quelque soit la qualité de son équipement
que, par ailleurs, seul un connaisseur sera en capacité d’évaluer. Alors
qui ? Un connaisseur âgé ou au contraire une personne à la vue basse n’ayant
pas la moindre connaissance en cycle mais qui avait besoin d’un moyen de
transport pour rentrer chez elle ? Pour résoudre cette énigme je ne vois
que Sherlock Holmes. Et il n’est pas en vacances à Malaucène ; donc le
larcin restera probablement impuni. Et mon Allemand, qui parle très bien le
Français (avec quand même un accent Schpountz à couper au couteau) me raconte
son réveil, son premier coup d’œil à l’extérieur et le constat de la
disparition de ses 2 vélos. Il a une voix douce (malgré son accent teuton si
guttural). On parle, il me raconte ses longues vacances en tandem en Australie,
sa passion des vélos et des voyages. Mais pas des voyages pour se transporter
rapidement d’un point à un autre de la terre, non, du plaisir de voyager, de
voir, de prendre son temps. Du plaisir de se déplacer humblement, sans agresser
l’environnement. Il en est au début de ses vacances et sa femme doit venir le
retrouver la semaine prochaine. L’utilitaire VW pour se déplacer loin, pour transporter
et pour dormir, le vélo pour profiter et pour découvrir. Il veut aller racheter
des vélos avant que sa femme n’arrive. Pour lui des vacances sans vélo ne
peuvent être des vacances réussies. Il me parle de Décathlon, je lui conseille plutôt
d’aller voir les loueurs de vélos qui pullulent à Malaucène et à Bédoin : en
fin de saison, ils vendent à 50% du prix neuf leurs vélos afin d’être toujours
équipés en vélos de l’année ; et justement, nous sommes en fin de saison…
Il est vraiment sympa ce gars. Je l’apprécie. Vraiment. Son histoire me peine. Réellement.
Trop même car son désarroi me donne envie de pleurer. Je vis sa peine, ses ennuis.
J’imagine des vacances commençant de la sorte. Ratées, forcément. Ils ne vont même
plus avoir envie de nous envahir les Chleuhs si pour eux la France leur évoque
seulement rapines et malheurs. Je suis honteux d’être Français, là, face à ce
brave gars, doux, tranquille et sympa qui s’est fait dérober ses vélos dans mon
pays. Quelle image doit-il avoir de la France, de moi qui a l’instant lui parle.
Je suis réellement très attristé pour lui, pour ce qui lui arrive. Ce n’est pas
de l’empathie, c’est beaucoup plus fort et destructeur. Je vis son malheur. À
fond. J’en suis profondément bouleversé. Limite dévasté. Plus que lui qui, me
semble t’il, fait preuve, au moins en apparence, d’une philosophie certaine. Je
lui fais part de ma profonde et réelle compassion, puis j’essaye de lui faire
passer quelques instants agréables en alimentant la conversation sur nos
voyages respectifs. Tenter qu’il ne garde pas qu’une mauvaise image de notre si
beau pays et de ces habitants… Allez, on va se la faire notre Europe sociale et
fraternelle avec des gars comme lui… On va les faire tomber ces fichues
frontières synonymes de guerres.

Oui, mais qui prendra le pouvoir de ce si grand
espace ? Et à qui sera inféodé ce pouvoir en place devenu si
puissant (par la multitude des impôts qu’il pourra lever) ? Quel groupe de
la population servira t’il ?
Les quelques multi propriétaires de Jets privés, Yachts, et paniers d’actions
en toute sorte ?
Les 1% qui détiennent maintenant 99% des richesses ?
Ceux qui ont déjà tout accaparés et qui ne savent plus qu’en faire ?
Ceux qui sont obsédés par la recherche de solutions leur permettant de se
soustraire à l’impôt ?
Ceux qui deviennent malades à la seule idée de devoir payer des impôts ?
Ceux qui souhaitent un retour des 3 ordres (état antérieur à la révolution
Française) avec la noblesse et le clergé exonérés de tout impôt ? (« Dans le monde, depuis 2015, les 1 %
les plus riches détiennent désormais autant de richesses que les 99 % restants » ;
« huit personnes détiennent autant de richesses que la moitié la plus
pauvre de l’humanité », https://www.oxfamfrance.org/rapports/justice-fiscale/economie-au-service-des-99)
Ce regroupement de nations servira t’il à augmenter encore plus la concentration
du patrimoine, à détruire encore plus notre environnement pour satisfaire la
folie pharaonique de quelques individus malades (car à quoi sert donc une telle
accumulation ?) ou, au contraire à améliorer la qualité de vie des
populations, de l’humanité, du monde du vivant ?
Je pars et je me dis, quelque peu honteux d’avoir encore mon
vélo alors que ce sympathique Allemand s’est fait dérober les 2 siens, que pour
une fois ma méfiance que je qualifie volontiers de maladive, m’aura permis de
terminer mes vacances sur mon vélo. Contrairement à la majorité des autres
randonneurs cyclistes qui n’attachent pas leur vélo, et qui laissent même
dessus, pour la nuit,

leurs sacoches chargés de leurs effets, moi, je me
trimballe la bonne grosse chaine des familles : ma grosse Berta à moi. La
bougresse pèse presque 2kg, et mesure un peu plus d’1 mètre ce qui me permet de
me rassurer (un peu) en attachant toujours mon vélo à un point (bien) fixe, de
préférence (très) solide. Et pour répondre à mon inquiétude dévorante de me faire
dérober ma machine à transformer mes rêves en réalité, j’ai aussi pourvu mon
vélo d’antivols de roues ; parce qu’un vélo sans roues, hein ? Tout
cela est pénible (attacher, détacher,…), salissant (les roues des vélos qu’enlacent
ma grosse Berta à moi sont grasses), lourd et onéreux. Mais il me faut au moins
ça pour pouvoir fermer un œil. Et cette fois, nul doute que sans mes
précautions de flippé, mon vélo sorti en 2016, avec des formes et des couleurs
plus aguicheuses qu’un demi-course, serait parti le premier. Je ne peux
néanmoins pas me satisfaire de ma « chance » car je suis trop triste
pour cet Allemand.
Et maintenant passons au fait divers qui m’est arrivé hier
soir.
Hier soir à la nuit, j’ai finit mon étape du Ventoux à Volx à quelques
encablures au Nord-est de Manosque dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Privilégiant désormais les campings Municipaux en raison de leur rapport
qualité-prix qui m’apparait supérieur à celui des campings privés, j’avais
demandé à mon meilleur ennemi, Google, de m’en indiquer un dans la région de
Manosque. Le fourbe de service m’indiqua ma destination : Volx, Camping
Municipal De La Vandelle. Et lui de m’indiquer la route, et moi de pédaler pour
atteindre cette trop lointaine destination que je rejoindrai dans une nuit bien
noire. J’arrive, et bing, camping désert ; fermé. Moi, je suis KO, alors
hors de question d’aller plus loin, je ne peux plus. J’ai tiré toutes mes cartouches
pour atteindre Volx et son fichu camping fermé, je suis cramé, je ne bouge
plus. Je n’en peux plus. J’envisage de démonter tout mon bazar et de faire passer
un à un mon matériel par dessus la grille afin de m’installer et dormir. Mon
rêve. Il n’y a personne, donc je ne causerais préjudice à personne. Je
pose mon vélo contre la grille et je commence à enlever mes sacoches lorsque j’aperçois,
dans mon dos, une autre grille. Bon, il fait nuit noire et je n’y vois rien. Alors
je sors ma lampe frontale et j’approche, lumière allumée, du panneau accroché à
la grille : « GCU, Groupement des Campeurs Universitaires, le camping
associatif ». Banco, on peut dire que je suis verni dans mon malheur. Un
camping Universitaire. L’idée me plait. En plus ce ne doit pas être cher. Ça a
l’air désert ici aussi. Ah non, je vois une petite loupiote vaciller, tout là
bas au fond. Je pousse la grille. Elle s’ouvre. J’entre en tenant mon très
lourd et très encombrant vélo d’une main et la poignée de porte de la grille de
l’autre. Je réussis l’exploit de refermer la porte sans laisser choir mon vélo.
J’avance. Il n’y a franchement pas foule ici, c’est presque désert. Surprenant
alors que dans la région les campings sont plutôt pleins. Je peux m’installer
ou je veux, ce ne sont pas les emplacements qui manquent. Alors comme
d’habitude, non, en fait encore plus que d’habitude du fait de la malheureuse
histoire de ce matin, je cherche d’abord un point fixe qui me permettra d’attacher
solidement mon vélo, puis, ensuite, j’installe ma tente à côté. Je fais fissa.
Car je suis entraîné, car il fait nuit, car je suis crevé, car je dois aller me
doucher ensuite, car je dois taper mes sensation de la journée après. Donc je
suis la tête dans le guidon. Je monte ma tente les yeux fermés. Pourquoi les
ouvrir vu qu’il fait nuit ? Et puis j’entends ;
« Bonsoir ». Je me retourne. Tiens, il y a donc des gens dans ce lieu
d’apparence désert. Je retourne le bonsoir et je continue à m’activer. Je suis
franchement fatigué maintenant. Le lanceur de bonsoir tente d’engager la
conversation. Pas le temps, je dois monter ma tente. « Vous vous installez
ici ? » Ben ça alors pour une question idiote, elle est en béton armée
celle-là. Je fais quoi là, pingouin, je pêche, je nage, je fuis un orque affamé
? Non, tu as bien vu je suis en train d’installer une tente, DONC,
effectivement, je m’installe. Je refreine l’envie d’exprimer tout haut le fond
de ma pensée. Plus diplomate, mais dans un style néanmoins TRES concis, je
réponds : « Oui ». Et je continue de m’activer. Ce soir, je suis
une vraie fourmilière à moi tout seul. Bon, l’autre à côté, de toute évidence,
il n’a pas envie de dormir, lui. Dans la journée, il doit boire des bières en
fumant des clopes tout en regardant d’un œil vague la télé ; alors la
nuit, il ne peut pas dormir, il n’a pas envie. En tout cas, il

n’a pas passé sa
journée sur un vélo sinon il dormirait déjà. Vous pouvez me croire sur parole. Et
puis il n’a pas de tente à monter. Et puis il n’a pas de douche à prendre. Et
puis il n’a pas de Blog à rédiger. Mais qu’est-ce qu’il fait en fait ? 2
minutes après, j’ai la réponse à ma question : le gars est LE gérant du
camping. En chair et en os. Carrément. Ben fallait le dire directement ma
caille au lieu de tortiller du cul ! Il me demande si je suis adhérent.
Mais qu’est-ce donc que cette histoire ? Ce mec m’a l’air franchement
tordu. Je lui réponds, peut-être un poil sèchement, que je ne sais pas de quoi
il parle. Et lui de me dire qu’ici c’est un camping pour adhérents. Moi, de
plus en plus sèchement, voir avec un début de rogne, « Faut pas faire
chier Gérard Lambert quand il répare sa mobylette » (Renaud avant que,
résultat d’une immersion aussi longue que profonde dans des alcools divers et
variés, il ne lui prenne l’idée saugrenue d’embrasser des flics ; sans
haine ni violence d’accord, mais chacun à sa place. Les défenseurs des gros
patrimoines d’un côté, les autres de l’autre), je rétorque que je suis fatigué,
qu’adhérent ou non, je ne bougerai pas d’un centimètre car je ne suis pas
(plus) en état de faire 30km de plus de nuit à la recherche d’un vrai camping dans
l’hypothèse ou celui-ci serait un faux camping déguisé en vrai. La moutarde
commence à me monter au nez. Et ça pique. Fort. L’autre compliqué me dit, que
cela ne tienne, ce camping pour adhérents propose des tarifs pour les
non-adhérents. Que n’avait-il commencé par là. Vraiment compliqué ce
lascar ! Et de m’annoncer le prix pour la nuitée dans ma petite
tente : 17,73€. Ben il n’aurait pas dû m’agacer avant de me donner le
tarif. Au contraire, il aurait dû me faire boire une verveine, me donner des
antidépresseurs ou me faire fumer un pétard. Il avait le choix, non ? Et
bien non, l’autre a fait tout ce qu’il fallait pour me faire monter la pression
artérielle dans la zone rouge. Tant pis pour lui, la digue lâche. Je lui dis que
le prix annoncé ne correspond pas au panneau accroché sur la grille ou est
indiqué « GCU, Groupement des Campeurs Universitaires » et qu’en général
les prix Universitaires ont la particularité, approche sociale oblige, d’être nettement
moins chers que la

moyenne, alors que là, pardon, mais ça frise le racket
17,73€ pour une petite tente de cycliste. Le gars qui décidément, lorsqu’il
n’est pas dans cet Ersatz de camping, doit habiter sur la lune, me répond que
justement le « GCU, Groupement des Campeurs Universitaires » pratique des
prix beaucoup plus bas que le marché. Non, il ne doit pas habiter sur la lune,
il doit habiter beaucoup plus loin le gonz, sur Mars, pour sortir des inepties
pareilles. Je lui réponds qu’en termes de prix, en Suisse, il ne serait pas
très cher, mais qu’en France c’est tout simplement excessif et que ça frise
sérieusement le vol. Et lui précise que je parle d’expérience après une
quarantaine de jours à changer de camping quotidiennement en France et en
Suisse. Mais mon lascar ne s’en laisse pas compter et me répète en boucle que
les adhérents GCU ne payent pas cher. Ouille, si ça se trouve, mon gonz n’est
pas un vrai gonz. Je suis probablement face à un Cyborg qui a besoin d’une mise
à jour, et le bazar va m’user tant qu’il aura de la batterie. Alors je baisse
le pavillon et je vais payer. Comme ça après je vais enfin pouvoir dormir. Et
le sommeil c’est précieux, hein ? Sauf pour les Cyborgs, bien sûr !
Aujourd’hui je pédale pour boucler mon avant dernière étape
qui doit me conduire jusqu’à Fréjus. De Volx à Vinon-sur-Verdon, c’est plutôt
moche et très dangereux. Je suis de retour chez les fous, c’est net. Et puis, à
Vinon-sur-Verdon, je n’en peux plus de ce bruit, de cette fumée, de cette
fureur et de ce sentiment de danger aigu. Alors je quitte la route principale,
la D4 et la D554, pour prendre sur la gauche, la D69 puis la D30 en direction
de Saint-Julien, Montmeyan, Fox-Amphoux, Sillan-la-Cascade, Salernes, Flayosc
et Draguignan : et là ça va. La route devient sympa, calme. Mais il me
faut reconnaître que par ici, alors que je m’approche de chez moi, les paysages
ne sont pas exceptionnels ; je suis un peu déçu.
Je pédale, je pédale et me voici à Draguignan. Presque arrivé, hein ?
Surtout que la route s’élargit. Une 2 fois 2 voies en légère descente, le long
d’horribles zones commerciales. Le revêtement est bien lisse, le dénivelé
favorable, et la fin d’étape en vue : allez mon Jojo, envoie la sauce.
Surtout qu’il convient de ne pas lambiner ici, car désormais, je peux vous le
dire avec certitude, je suis bien chez les fous. Des vrais de vrais, des en
forme, des dopés, des champions du monde entourés d’une myriade de sérieux prétendants
au podium. Ça s’excite, ça fait fumer le mazout, ça conduit le téléphone à
l’oreille, ça me frôle, ça klaxonne, tout ça sur une route dont les accotements
sont d’une

saleté repoussante, digne d’une porcherie qui n’aurait pas été
nettoyée depuis 1 mois. Mon retour à la réalité est brutal ! Heureusement
que cette large route est interrompue régulièrement par de non moins larges
ronds points qui font office de chicanes, car déjà en l’état certains
confondent l’endroit avec la piste d’Indianapolis. Ils dépotent sévères et ne
comprennent pas qu’un petit vélo puisse, par sa seule présence, venir perturber
leurs essais de vitesse. Ils veulent ce circuit pour eux tous seuls. Ce sont
les essais qualifs, bordel, il faut dégager la piste ! Mais que fait la
direction de course ? Tiens, d’ailleurs, à l’instant, s’ils téléphonent,
et c’est un handicap lorsque l’on fait un chrono, vous en conviendrez, c’est
pour demander assistance aux commissaires de piste, pour qu’ils fassent place
nette. Un titre de champion du monde de Formule 1 ça donne certains privilèges,
non ? Le partage est une notion absolument inconnue des recordmen sur 4 roues… Ils
sont souvent comme ça les champions du monde, imbus et égoïstes ! Et les
grosses gouttes qui perlent de mon front ne sont pas dues uniquement à la
chaude météo de cette fin de mois d’août dans le Sud-est de la France, mais à
quelques bonnes montées d’adrénaline provoquées par les formules 1 qui bataillent
fermes dans cette fin de course sans merci ou tous les coups sont permis… Je suis
immergé dans une BD de Michel Vaillant ! Pourrais-je sortir vivant de mon
incursion saugrenue sur ce circuit ? Suite au prochain épisode… J’espère…
Allons, allons, ne nous laissons pas envahir par la peur, qui loin d’éloigner le danger à plutôt tendance à l’attirer. Restons stoïque. Alors tout en pédalant sur cette route de la mort, je tente de m’évader dans mes rêves et réflexions diverses.
Et je repense à mes précédentes journées. Celles passées
dans le Vaucluse, autour du Mont-Ventoux, région dans laquelle, enfant, je
passais mes vacances d’été. Il faisait chaud, et je me rappelle le plaisir que
j’avais alors à me désaltérer avec l’eau fraiche qui coulait doucement des
fontaines très présentes dans ces contrées. Elles sont toujours là ces
fontaines. Mais avec une nuance de taille. Elles sont aujourd’hui presque
toutes surplombées d’un panneau bien lisible « Eau NON potable ». Alors,
désormais la soif doit être épanchée en allant faire la queue à la caisse d’une
superette pour acheter une bouteille d’eau.
—
Mais soit pas triste Coco, c’est excellent pour
la croissance, ça fait du PIB et c’est comme cela que l’on se hisse vers dans
le groupe de tête des nations « développées ». Et puis une fois que
tu l’auras bue ta bouteille d’eau en plastique Coco, il faudra la ramasser, la
stocker et tenter de la réduire pour ne pas finir étouffé par le plastique. Et
ça refera encore de la croissance ; tiens, on est tellement fort qu’on
essayera même de la recycler pour en faire du nouveau plastique que le devra
ramasser, pour ne pas étouffer, et ensuite la recycler… Allons, allons Coco, pas de défaitisme. Elle n’est
pas belle la vie dans notre société évoluée ?
—
…
—
Mais c’est le progrès Coco. C’est comme ça, il
faut de la croissance pour vivre mieux.
—
Mais Coco t’est fatigant avec tes questions
bêtes. Comment ? À quoi ça sert la croissance si ça ne permet pas à tout
le monde de vivre dignement sans attraper des maladies qui nous tordent de
douleurs. Mais Coco, tu deviens chiant maintenant. Et t’as des questions à la
con. Allez, allez, Coco, écoute ce que l’on te dit, la croissance c’est bon
pour toi, pour ton chômage et ton cancer, crois moi, va !
J’entre dans « Le Muy »
ce qui interrompt le reconditionnement psychologique de ce Coco déviant.
Je traverse L’autoroute et là ça y
est, j’arrive. C’est beau, la roche est rouge, brutale, c’est lui, le rocher de
Roquebrune-sur-Argens ! Allez encore 3 coups de pédale et nous y sommes.
A demain.
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Rocher de Roquebrune-sur-Argens |