mardi 29 août 2017

Etape 34 Fréjus - Nice ; mardi 29 août 2017


Distance
71km
Dénivelé
513m
Durée de pédalage
3h38
Moyenne
19,4Km/h
Col(s)
De l’Auriasque (248m), de Testanier (311m)
Département(s)
Var (83), Alpes-Maritimes (06)
Région(s)
PACA

La boucle est bouclée. Retour à Nice, place Garibaldi




La mer à Mandelieu, je jour baisse


La boucle est bouclée.
C’était ma dernière étape.
Et me voilà de retour, à Nice, chez moi, après 43 jours à pédaler en France et en Suisse.

Maintenant, mon voyage est vraiment terminé.
Je suis enfermé entre 4 murs.
Avant de rentrer définitivement, je me dois de saluer mon illustre voisin, Garibaldi, le héro des 2 mondes. Il est toujours là, lui, le magnifique. Impassible, comme toujours, le regard dans le lointain, il trône sur son piédestal au milieu de la place éponyme. Dis Giuseppe, t’as pas des fourmis dans les jambes parfois ? Je reste quelques instants face à la statue à méditer sur le prix de la liberté, puis je me remets en route pour clôturer définitivement mon voyage. Il ne me reste que quelques tours de pédales pour atteindre ma destination finale, sorte de Fort Knox où, barrières, serrures, portes, interphones, et digicodes se multiplient à loisir… 1984 de George Orwell en pleine vieille ville. Serais-je encore trouver mon
chemin dans ce sombre labyrinthe ? J’ouvre des grilles verrouillées à double tour, je saisis des codes et je pénètre dans les parkings souterrains. J’avance dans un univers d’obscurité qu’un bataillon de luminaires parfaitement ordonné s’évertue à combattre. J’ouvre de nouveau des portes, puis les referme. Et puis enfin le voilà cet ascenseur. Je l’appelle. Il arrive. Ses portes s’ouvrent. D’un mouvement appuyé et sec, je fais reculer mon vélo levier de frein arrière bien serré : le vélo se cabre levant sa roue avant pour s’appuyer sur sa seule roue arrière. J’avance prudemment dans cette position et je m’engouffre avec tout mon matériel dans l’ascenseur. L’opération frise l’acte chirurgical avec cette bicyclette si large et si lourde très à l’étroit dans cet ascenseur pourtant très confortable. Je dois rentrer ma machine à réaliser mes rêves bien dans la diagonale et quasi verticalement. Ça y est mon vélo est bien au fond, calé, sa roue avant touchant presque le plafond. La porte de l’ascenseur peut désormais se refermer. Je saisie un code, puis j’appuie sur le 6. Je décolle doucement. Les numéros d’étages s’incrémentent lentement sur la petite vidéo de l’ascenseur. Le chiffre 6 s’affiche et l’ascenseur souplement s’arrête. Les portes s’ouvrent. Je sors mon vélo en reculant, toujours sur sa seule roue arrière. Je le fais pivoter et je le repose doucement bien à plat sur ses 2 roues. Maintenant je le cale avec précaution contre le mur du couloir à coté de ma porte palière. Chercher mes petites clefs dans mon gros fourbi. Mais où sont-elles ? Je farfouille avec fébrilité dans ma sacoche de guidon. Et si je les avais égarées ? Vite, évacuer cette hypothèse trop galère et chercher. Chercher encore. Voilà. Trouvées. J’ouvre ma porte d’entrée. J’entre avec mon vélo. Je referme.


Un malaise m’envahit.
Mes sentiments sont mitigés.

La tristesse, d’abord.
Une histoire qui s’arrête, c’est toujours triste. Et puis j’ai encore tant de destinations à découvrir, tant de rêves à réaliser. Mais dans une histoire il y a toujours une fin. Une histoire sans fin ne serait plus une histoire.
Tous ces murs autour de moi bloquent le vent, la lumière, les odeurs. Ces murs m’enferment. Ces murs m’isolent. Je me sens mal à l’aise. Ne suis-je pas là, coincé dans une sorte de prison dont je risque d’avoir le plus grand mal à m’extraire ? Cette idée me déprime.
Et puis je repense à la pluie, au froid, à la fatigue, au mal aux fesses, aux jambes, et je me dis que je serai heureux ici, installé bien confortablement lorsque les rigueurs de l’hiver seront de retours et que la pluie tambourinera sur les vitres.

Alors vient le temps de la satisfaction.
Et une esquisse de sourire se forme doucement sur mes lèvres.
C’était si bon. Si beau. Quel voyage ! Quelle chance ! Et puis j’ai réussi.
J’ai réussi à partir 43 jours en vélo sans ennui majeur malgré ma complète absence d’entrainement physique préalable : pas d’accident, pas de déchirure musculaire, pas de tendinite, pas de maladie, pas de pannes mécaniques, pas même une crevaison. Rien.
Veinard le lascar !
Oui je suis un chanceux.
Oh, bien sûr, il y a eut ce mal aux fesses féroce. Très douloureux, il me faut l’admettre. Il s’est (un peu) calmé sur la fin de mon parcours. Conséquence de ma nouvelle selle, sans doute, de la diminution du poids du cycliste, certainement, et peut-être un peu de l’habitude, si tant est que l’on puisse s’habituer à la torture.
Et puis il y a eut le mal aux jambes. Probablement lié à la conjugaison de l’absence d’entrainement et d’un début de parcours constitué de seuls cols Alpins. Un rodage certainement trop violent. D’ailleurs, la dernière partie de mon périple, presque plate, fut plus indolore, conséquence aussi de l’entrainement hors pair que constitua la première partie de ce voyage.
Et puis il y a eut le froid et la pluie curieusement très présents à cette époque de l’année. Mais n’était-ce pas une chance alors que la canicule continuait à sévir sur la Côte d’Azur ?

Bref, arrivé à bon port et en bon état, je suis comme le personnage de Candide de la première partie du conte philosophique de Voltaire « Candide, ou l'optimisme ». Je me dis : « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ».

Durant cette dernière étape que je démarrais fort tard, je fus traversé épisodiquement par quelques souvenirs de ces 43 derniers jours qui me firent pour un temps sortir de du régime ordinaire de ma vie.
 
L'Estérel vu de la N7
Que vous dire de cette journée dont je vous ai narré juste la fin ?
Que, bien qu’elle fut courte, et (donc) facile, elle fut très belle. Que j’étais heureux de retrouver nos si beaux paysages de la Cote d’Azur.
Parti de Fréjus en direction de l’Estérel, je gravis très facilement les 6km qui me conduisirent au col de Testanier. Que n’avais-je eut durant mes vacances cette forme physique ! Durant l’ascension comme durant la descente sur l’autre versant en direction de Mandelieu, je fus ébloui par la beauté de ces paysages retrouvés. Et, qu’une nouvelle fois, je pris conscience de la rare beauté de notre région. Arrivé en bas c’était les retrouvailles avec notre mer méditerranée si bleue, si lisse, si attirante. Qu’elle était belle ! Maintenant il ne me restait plus qu’à la suivre et à l’admirer jusqu’à Nice. Chemin faisant, à la nuit tombante, je pouvais contempler le soleil se couchant langoureusement sur l’horizon marin, et puis, dès Antibes, alors que je pédalais dans la nuit, j’étais attiré par tous ces beaux reflets argents qui faisaient briller de mille feux la méditerranée. Et je profitais de toutes ces merveilles, dans un calme ici inhabituel, car, du fait de mon heure de départ très tardive, j’eus le loisir aujourd’hui de bénéficier d’une route de bord de mer apaisée, presque déserte, totalement dénuée de ses déplaisants et usuels embouteillages.


Je vous l’avais bien dit : « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ».


Bonne nuit, portez-vous tous bien.



A Cagnes-sur Mer




lundi 28 août 2017

Etape 33 Volx – Fréjus ; lundi 28 août 2017

Distance
129km
Dénivelé
966m
Durée de pédalage
6h51
Moyenne
18,9Km/h
Département(s)
Alpes-de-Hautes-Provences (04), Var (83)
Région(s)
PACA

Rocher de Roquebrune-sur-Argens





Rocher de Roquebrune-sur-Argens



Hier, je ne vous ai pas tout dit. Pas le temps. Il était déjà tard, j’avais déjà beaucoup blablaté et j’étais fatigué. Mais il faut que je vous raconte deux faits divers qui m’ont marqué : un à mon réveil, hier matin à Malaucène, cette charmante petite bourgade du Vaucluse qui avait la veille au soir fêté sa libération, et un autre, à mon couché, à Volx un peu avant Manosque.

Prenons les évènements dans leur ordre chronologique : celui du réveil d’abord, l’autre du couché ensuite.

Hier matin au réveil, il faisait beau, la journée s’annonçait bien. Je me dépêchais de remballer tout mon fourbi afin de ne pas partir trop tard et de pouvoir me consacrer pleinement à mon étape du jour : le Ventoux. J’avais presque terminé mon rangement et je commençais sangler mon paquetage sur mon vélo lorsque mon voisin d’en face, un Allemand, m’interpella. On s’était brièvement salué la veille. Je l’avais repéré. D’abord parce qu’il était installé juste en face de moi (ou moi juste en face de lui, on ne va pas en faire un casus belli) et ensuite en raison de mon intérêt pour son matériel roulant. Notre homme d’Outre-Rhin était motorisé par un véhicule de loisir à tente de toit relevable, un VW California Beach, utilitaire léger descendant en droite ligne des célèbres VW Combi ; véhicule qui avait la particularité d’avoir transporté, en sus de son propriétaire, 2 vélos style demi-course, vélos à tout faire en vogue dans les années 70, et que je rentre dans la catégorie des vélos de grand-mère (ce qui loin d'être péjoratif est au contraire la reconnaissance de leurs grande utilité, de leurs capacité à s'adapter à toute sortes de situations et d'usages). Un coup d’œil furtif nous avait permit d’évaluer respectivement le matériel de l’autre, puis nous avions rapidement échangé, de loin, un salut poli ; et basta. Mais hier matin, changement total de situation. Alors que nous nous en étions tenus jusque là à une situation diplomatiquement acceptable, à un face à face aussi prudent que distant, ne voilà t'il pas que mon Allemand de voisin se décida subitement à franchir le Rhin. Inquiétude dans les chaumières. Mobilisation générale. Serait-ce là, la nouvelle guerre éclair Teutonique ? La Blitzkrieg version 2017 ? Je sonnais l’alerte vite et fort, et je me tenais sur mes gardes, l’arme au coté, chargée, sécurité libérée ; une nation avertie en vaut 2. Donc, hier matin, mon chevalier Teutonique de voisin pénétra sur mon territoire. Il traversa l’allée qui nous séparait et vint me voir. Directement. Sans déclaration de guerre préalable. Alors maintenant, même le protocole fout le camp ! Arrivé face à moi, et à ma grande surprise du fait de la longue histoire conflictuelle qui relie à leur corps défendant nos deux nations, mon prévisible ennemi coiffé de son casque à pointe me demanda à conclure un pacte de non-agression. Et puis, il me raconta le sort funeste qui l'avait frappé durant la nuit.
Et là, il faut que je fasse une légère digression sur l’environnement du camping.
Joli camping. Un peu barricadé, barrières, grillages, mais bon, tout cela réalisé dans un style pas trop agressif.
Les emplacements de camping sont des parfaits rectangles, tous identiques. Le camping s’étale sur 4 niveaux où chaque emplacement est disposé, de façon parfaitement symétrique, de part et d’autre d’une belle allée bien droite et bien parallèle à celle des autres niveaux. A chaque extrémité, l’allée rectiligne se termine par un virage en épingle à cheveux permettant de relier les différents niveaux. Tout le camping, allées et emplacements, est revêtu de petits cailloux blancs du plus bel effet ; mais très bruyant dès lors que l’on marche ou que l’on roule dessus. On ne peut se déplacer ici en silence. Sous les cailloux, le sol est si dur que l’on croirait du béton. Armé. L’installation de ma tente fut d’ailleurs un dur combat. Car ici le marteau piqueur s’impose pour espérer pouvoir enfoncer la moindre sardine (piquet de tente). Si ce sol dur, lisse et horizontal doit être une bénédiction pour les caravanes et autres camping-cars, c’est un cauchemar pour les tentes. Et si j’ai pu dormir sous ma toile, je le dois au marteau (un peu piqueur tout de même) que me prêta un voisin.
Bon, résumons : une allée en lacet reliant les 4 niveaux du camping, un sol très bruyant car recouvert de petits cailloux blanc et un camping sécurisé avec barrières et grillages, le tout placé à 100 mètres du panneau indiquant le début du village, sur une petite route perpendiculaire à la route principale joignant Malaucène à Vaison-la-Romaine. Malaucène cette mignonne petite ville si charmante et si calme. Et bien c’est ici, dans ce camping, à 3 mètres en face de l’ouverture de ma petite tente, que ce vacancier Allemand démilitarisé s’est fait voler, cette nuit, ses 2 vélos. Bigre, bigre, bigre, et je n’ai rien entendu. Personne n’a entendu ni vu quoique ce soit d’ailleurs. Malgré le tapis de petits cailloux blancs recouvrant le sol et faisant un barouf de tous les diables dès que l’on pose un pied ou un pneu dessus. Et qui peut bien avoir l’idée, aujourd’hui, de voler 2 vélos demi-course, vélos pas du tout dans l’ère du temps ? Pas des jeunes en tout cas : ils voleraient un VTT aguicheur ou un vélo de course carbone aux formes si joliment épurées, mais certainement pas un vélo demi-course quelque soit la qualité de son équipement que, par ailleurs, seul un connaisseur sera en capacité d’évaluer. Alors qui ? Un connaisseur âgé ou au contraire une personne à la vue basse n’ayant pas la moindre connaissance en cycle mais qui avait besoin d’un moyen de transport pour rentrer chez elle ? Pour résoudre cette énigme je ne vois que Sherlock Holmes. Et il n’est pas en vacances à Malaucène ; donc le larcin restera probablement impuni. Et mon Allemand, qui parle très bien le Français (avec quand même un accent Schpountz à couper au couteau) me raconte son réveil, son premier coup d’œil à l’extérieur et le constat de la disparition de ses 2 vélos. Il a une voix douce (malgré son accent teuton si guttural). On parle, il me raconte ses longues vacances en tandem en Australie, sa passion des vélos et des voyages. Mais pas des voyages pour se transporter rapidement d’un point à un autre de la terre, non, du plaisir de voyager, de voir, de prendre son temps. Du plaisir de se déplacer humblement, sans agresser l’environnement. Il en est au début de ses vacances et sa femme doit venir le retrouver la semaine prochaine. L’utilitaire VW pour se déplacer loin, pour transporter et pour dormir, le vélo pour profiter et pour découvrir. Il veut aller racheter des vélos avant que sa femme n’arrive. Pour lui des vacances sans vélo ne peuvent être des vacances réussies. Il me parle de Décathlon, je lui conseille plutôt d’aller voir les loueurs de vélos qui pullulent à Malaucène et à Bédoin : en fin de saison, ils vendent à 50% du prix neuf leurs vélos afin d’être toujours équipés en vélos de l’année ; et justement, nous sommes en fin de saison… Il est vraiment sympa ce gars. Je l’apprécie. Vraiment. Son histoire me peine. Réellement. Trop même car son désarroi me donne envie de pleurer. Je vis sa peine, ses ennuis. J’imagine des vacances commençant de la sorte. Ratées, forcément. Ils ne vont même plus avoir envie de nous envahir les Chleuhs si pour eux la France leur évoque seulement rapines et malheurs. Je suis honteux d’être Français, là, face à ce brave gars, doux, tranquille et sympa qui s’est fait dérober ses vélos dans mon pays. Quelle image doit-il avoir de la France, de moi qui a l’instant lui parle. Je suis réellement très attristé pour lui, pour ce qui lui arrive. Ce n’est pas de l’empathie, c’est beaucoup plus fort et destructeur. Je vis son malheur. À fond. J’en suis profondément bouleversé. Limite dévasté. Plus que lui qui, me semble t’il, fait preuve, au moins en apparence, d’une philosophie certaine. Je lui fais part de ma profonde et réelle compassion, puis j’essaye de lui faire passer quelques instants agréables en alimentant la conversation sur nos voyages respectifs. Tenter qu’il ne garde pas qu’une mauvaise image de notre si beau pays et de ces habitants… Allez, on va se la faire notre Europe sociale et fraternelle avec des gars comme lui… On va les faire tomber ces fichues frontières synonymes de guerres.

Oui, mais qui prendra le pouvoir de ce si grand espace ? Et à qui sera inféodé ce pouvoir en place devenu si puissant (par la multitude des impôts qu’il pourra lever) ? Quel groupe de la population servira t’il ?
Les quelques multi propriétaires de Jets privés, Yachts, et paniers d’actions en toute sorte ?
Les 1% qui détiennent maintenant 99% des richesses ?
Ceux qui ont déjà tout accaparés et qui ne savent plus qu’en faire ?
Ceux qui sont obsédés par la recherche de solutions leur permettant de se soustraire à l’impôt ?
Ceux qui deviennent malades à la seule idée de devoir payer des impôts ?
Ceux qui souhaitent un retour des 3 ordres (état antérieur à la révolution Française) avec la noblesse et le clergé exonérés de tout impôt ?  (« Dans le monde, depuis 2015, les 1 % les plus riches détiennent désormais autant de richesses que les 99 % restants » ; « huit personnes détiennent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de l’humanité »,  https://www.oxfamfrance.org/rapports/justice-fiscale/economie-au-service-des-99)
Ce regroupement de nations servira t’il à augmenter encore plus la concentration du patrimoine, à détruire encore plus notre environnement pour satisfaire la folie pharaonique de quelques individus malades (car à quoi sert donc une telle accumulation ?) ou, au contraire à améliorer la qualité de vie des populations, de l’humanité, du monde du vivant ?

Je pars et je me dis, quelque peu honteux d’avoir encore mon vélo alors que ce sympathique Allemand s’est fait dérober les 2 siens, que pour une fois ma méfiance que je qualifie volontiers de maladive, m’aura permis de terminer mes vacances sur mon vélo. Contrairement à la majorité des autres randonneurs cyclistes qui n’attachent pas leur vélo, et qui laissent même dessus, pour la nuit,
leurs sacoches chargés de leurs effets, moi, je me trimballe la bonne grosse chaine des familles : ma grosse Berta à moi. La bougresse pèse presque 2kg, et mesure un peu plus d’1 mètre ce qui me permet de me rassurer (un peu) en attachant toujours mon vélo à un point (bien) fixe, de préférence (très) solide. Et pour répondre à mon inquiétude dévorante de me faire dérober ma machine à transformer mes rêves en réalité, j’ai aussi pourvu mon vélo d’antivols de roues ; parce qu’un vélo sans roues, hein ? Tout cela est pénible (attacher, détacher,…), salissant (les roues des vélos qu’enlacent ma grosse Berta à moi sont grasses), lourd et onéreux. Mais il me faut au moins ça pour pouvoir fermer un œil. Et cette fois, nul doute que sans mes précautions de flippé, mon vélo sorti en 2016, avec des formes et des couleurs plus aguicheuses qu’un demi-course, serait parti le premier. Je ne peux néanmoins pas me satisfaire de ma « chance » car je suis trop triste pour cet Allemand.


Et maintenant passons au fait divers qui m’est arrivé hier soir.
Hier soir à la nuit, j’ai finit mon étape du Ventoux à Volx à quelques encablures au Nord-est de Manosque dans les Alpes-de-Haute-Provence. Privilégiant désormais les campings Municipaux en raison de leur rapport qualité-prix qui m’apparait supérieur à celui des campings privés, j’avais demandé à mon meilleur ennemi, Google, de m’en indiquer un dans la région de Manosque. Le fourbe de service m’indiqua ma destination : Volx, Camping Municipal De La Vandelle. Et lui de m’indiquer la route, et moi de pédaler pour atteindre cette trop lointaine destination que je rejoindrai dans une nuit bien noire. J’arrive, et bing, camping désert ; fermé. Moi, je suis KO, alors hors de question d’aller plus loin, je ne peux plus. J’ai tiré toutes mes cartouches pour atteindre Volx et son fichu camping fermé, je suis cramé, je ne bouge plus. Je n’en peux plus. J’envisage de démonter tout mon bazar et de faire passer un à un mon matériel par dessus la grille afin de m’installer et dormir. Mon rêve. Il n’y a personne, donc je ne causerais préjudice à personne. Je pose mon vélo contre la grille et je commence à enlever mes sacoches lorsque j’aperçois, dans mon dos, une autre grille. Bon, il fait nuit noire et je n’y vois rien. Alors je sors ma lampe frontale et j’approche, lumière allumée, du panneau accroché à la grille : « GCU, Groupement des Campeurs Universitaires, le camping associatif ». Banco, on peut dire que je suis verni dans mon malheur. Un camping Universitaire. L’idée me plait. En plus ce ne doit pas être cher. Ça a l’air désert ici aussi. Ah non, je vois une petite loupiote vaciller, tout là bas au fond. Je pousse la grille. Elle s’ouvre. J’entre en tenant mon très lourd et très encombrant vélo d’une main et la poignée de porte de la grille de l’autre. Je réussis l’exploit de refermer la porte sans laisser choir mon vélo. J’avance. Il n’y a franchement pas foule ici, c’est presque désert. Surprenant alors que dans la région les campings sont plutôt pleins. Je peux m’installer ou je veux, ce ne sont pas les emplacements qui manquent. Alors comme d’habitude, non, en fait encore plus que d’habitude du fait de la malheureuse histoire de ce matin, je cherche d’abord un point fixe qui me permettra d’attacher solidement mon vélo, puis, ensuite, j’installe ma tente à côté. Je fais fissa. Car je suis entraîné, car il fait nuit, car je suis crevé, car je dois aller me doucher ensuite, car je dois taper mes sensation de la journée après. Donc je suis la tête dans le guidon. Je monte ma tente les yeux fermés. Pourquoi les ouvrir vu qu’il fait nuit ? Et puis j’entends ; « Bonsoir ». Je me retourne. Tiens, il y a donc des gens dans ce lieu d’apparence désert. Je retourne le bonsoir et je continue à m’activer. Je suis franchement fatigué maintenant. Le lanceur de bonsoir tente d’engager la conversation. Pas le temps, je dois monter ma tente. « Vous vous installez ici ? » Ben ça alors pour une question idiote, elle est en béton armée celle-là. Je fais quoi là, pingouin, je pêche, je nage, je fuis un orque affamé ? Non, tu as bien vu je suis en train d’installer une tente, DONC, effectivement, je m’installe. Je refreine l’envie d’exprimer tout haut le fond de ma pensée. Plus diplomate, mais dans un style néanmoins TRES concis, je réponds : « Oui ». Et je continue de m’activer. Ce soir, je suis une vraie fourmilière à moi tout seul. Bon, l’autre à côté, de toute évidence, il n’a pas envie de dormir, lui. Dans la journée, il doit boire des bières en fumant des clopes tout en regardant d’un œil vague la télé ; alors la nuit, il ne peut pas dormir, il n’a pas envie. En tout cas, il
n’a pas passé sa journée sur un vélo sinon il dormirait déjà. Vous pouvez me croire sur parole. Et puis il n’a pas de tente à monter. Et puis il n’a pas de douche à prendre. Et puis il n’a pas de Blog à rédiger. Mais qu’est-ce qu’il fait en fait ? 2 minutes après, j’ai la réponse à ma question : le gars est LE gérant du camping. En chair et en os. Carrément. Ben fallait le dire directement ma caille au lieu de tortiller du cul ! Il me demande si je suis adhérent. Mais qu’est-ce donc que cette histoire ? Ce mec m’a l’air franchement tordu. Je lui réponds, peut-être un poil sèchement, que je ne sais pas de quoi il parle. Et lui de me dire qu’ici c’est un camping pour adhérents. Moi, de plus en plus sèchement, voir avec un début de rogne, « Faut pas faire chier Gérard Lambert quand il répare sa mobylette » (Renaud avant que, résultat d’une immersion aussi longue que profonde dans des alcools divers et variés, il ne lui prenne l’idée saugrenue d’embrasser des flics ; sans haine ni violence d’accord, mais chacun à sa place. Les défenseurs des gros patrimoines d’un côté, les autres de l’autre), je rétorque que je suis fatigué, qu’adhérent ou non, je ne bougerai pas d’un centimètre car je ne suis pas (plus) en état de faire 30km de plus de nuit à la recherche d’un vrai camping dans l’hypothèse ou celui-ci serait un faux camping déguisé en vrai. La moutarde commence à me monter au nez. Et ça pique. Fort. L’autre compliqué me dit, que cela ne tienne, ce camping pour adhérents propose des tarifs pour les non-adhérents. Que n’avait-il commencé par là. Vraiment compliqué ce lascar ! Et de m’annoncer le prix pour la nuitée dans ma petite tente : 17,73€. Ben il n’aurait pas dû m’agacer avant de me donner le tarif. Au contraire, il aurait dû me faire boire une verveine, me donner des antidépresseurs ou me faire fumer un pétard. Il avait le choix, non ? Et bien non, l’autre a fait tout ce qu’il fallait pour me faire monter la pression artérielle dans la zone rouge. Tant pis pour lui, la digue lâche. Je lui dis que le prix annoncé ne correspond pas au panneau accroché sur la grille ou est indiqué « GCU, Groupement des Campeurs Universitaires » et qu’en général les prix Universitaires ont la particularité, approche sociale oblige, d’être nettement moins chers que la
moyenne, alors que là, pardon, mais ça frise le racket 17,73€ pour une petite tente de cycliste. Le gars qui décidément, lorsqu’il n’est pas dans cet Ersatz de camping, doit habiter sur la lune, me répond que justement le « GCU, Groupement des Campeurs Universitaires » pratique des prix beaucoup plus bas que le marché. Non, il ne doit pas habiter sur la lune, il doit habiter beaucoup plus loin le gonz, sur Mars, pour sortir des inepties pareilles. Je lui réponds qu’en termes de prix, en Suisse, il ne serait pas très cher, mais qu’en France c’est tout simplement excessif et que ça frise sérieusement le vol. Et lui précise que je parle d’expérience après une quarantaine de jours à changer de camping quotidiennement en France et en Suisse. Mais mon lascar ne s’en laisse pas compter et me répète en boucle que les adhérents GCU ne payent pas cher. Ouille, si ça se trouve, mon gonz n’est pas un vrai gonz. Je suis probablement face à un Cyborg qui a besoin d’une mise à jour, et le bazar va m’user tant qu’il aura de la batterie. Alors je baisse le pavillon et je vais payer. Comme ça après je vais enfin pouvoir dormir. Et le sommeil c’est précieux, hein ? Sauf pour les Cyborgs, bien sûr !


Aujourd’hui je pédale pour boucler mon avant dernière étape qui doit me conduire jusqu’à Fréjus. De Volx à Vinon-sur-Verdon, c’est plutôt moche et très dangereux. Je suis de retour chez les fous, c’est net. Et puis, à Vinon-sur-Verdon, je n’en peux plus de ce bruit, de cette fumée, de cette fureur et de ce sentiment de danger aigu. Alors je quitte la route principale, la D4 et la D554, pour prendre sur la gauche, la D69 puis la D30 en direction de Saint-Julien, Montmeyan, Fox-Amphoux, Sillan-la-Cascade, Salernes, Flayosc et Draguignan : et là ça va. La route devient sympa, calme. Mais il me faut reconnaître que par ici, alors que je m’approche de chez moi, les paysages ne sont pas exceptionnels ; je suis un peu déçu.
Je pédale, je pédale et me voici à Draguignan. Presque arrivé, hein ? Surtout que la route s’élargit. Une 2 fois 2 voies en légère descente, le long d’horribles zones commerciales. Le revêtement est bien lisse, le dénivelé favorable, et la fin d’étape en vue : allez mon Jojo, envoie la sauce. Surtout qu’il convient de ne pas lambiner ici, car désormais, je peux vous le dire avec certitude, je suis bien chez les fous. Des vrais de vrais, des en forme, des dopés, des champions du monde entourés d’une myriade de sérieux prétendants au podium. Ça s’excite, ça fait fumer le mazout, ça conduit le téléphone à l’oreille, ça me frôle, ça klaxonne, tout ça sur une route dont les accotements sont d’une
saleté repoussante, digne d’une porcherie qui n’aurait pas été nettoyée depuis 1 mois. Mon retour à la réalité est brutal ! Heureusement que cette large route est interrompue régulièrement par de non moins larges ronds points qui font office de chicanes, car déjà en l’état certains confondent l’endroit avec la piste d’Indianapolis. Ils dépotent sévères et ne comprennent pas qu’un petit vélo puisse, par sa seule présence, venir perturber leurs essais de vitesse. Ils veulent ce circuit pour eux tous seuls. Ce sont les essais qualifs, bordel, il faut dégager la piste ! Mais que fait la direction de course ? Tiens, d’ailleurs, à l’instant, s’ils téléphonent, et c’est un handicap lorsque l’on fait un chrono, vous en conviendrez, c’est pour demander assistance aux commissaires de piste, pour qu’ils fassent place nette. Un titre de champion du monde de Formule 1 ça donne certains privilèges, non ? Le partage est une notion absolument inconnue des recordmen sur 4 roues… Ils sont souvent comme ça les champions du monde, imbus et égoïstes ! Et les grosses gouttes qui perlent de mon front ne sont pas dues uniquement à la chaude météo de cette fin de mois d’août dans le Sud-est de la France, mais à quelques bonnes montées d’adrénaline provoquées par les formules 1 qui bataillent fermes dans cette fin de course sans merci ou tous les coups sont permis… Je suis immergé dans une BD de Michel Vaillant ! Pourrais-je sortir vivant de mon incursion saugrenue sur ce circuit ? Suite au prochain épisode… J’espère…

Allons, allons, ne nous laissons pas envahir par la peur, qui loin d’éloigner le danger à plutôt tendance à l’attirer. Restons stoïque. Alors tout en pédalant sur cette route de la mort, je tente de m’évader dans mes rêves et réflexions diverses.

Et je repense à mes précédentes journées. Celles passées dans le Vaucluse, autour du Mont-Ventoux, région dans laquelle, enfant, je passais mes vacances d’été. Il faisait chaud, et je me rappelle le plaisir que j’avais alors à me désaltérer avec l’eau fraiche qui coulait doucement des fontaines très présentes dans ces contrées. Elles sont toujours là ces fontaines. Mais avec une nuance de taille. Elles sont aujourd’hui presque toutes surplombées d’un panneau bien lisible « Eau NON potable ». Alors, désormais la soif doit être épanchée en allant faire la queue à la caisse d’une superette pour acheter une bouteille d’eau.
     ­Mais soit pas triste Coco, c’est excellent pour la croissance, ça fait du PIB et c’est comme cela que l’on se hisse vers dans le groupe de tête des nations « développées ». Et puis une fois que tu l’auras bue ta bouteille d’eau en plastique Coco, il faudra la ramasser, la stocker et tenter de la réduire pour ne pas finir étouffé par le plastique. Et ça refera encore de la croissance ; tiens, on est tellement fort qu’on essayera même de la recycler pour en faire du nouveau plastique que le devra ramasser, pour ne pas étouffer, et ensuite la recycler…  Allons, allons Coco, pas de défaitisme. Elle n’est pas belle la vie dans notre société évoluée ?
    
     Mais c’est le progrès Coco. C’est comme ça, il faut de la croissance pour vivre mieux.
     Mais Coco t’est fatigant avec tes questions bêtes. Comment ? À quoi ça sert la croissance si ça ne permet pas à tout le monde de vivre dignement sans attraper des maladies qui nous tordent de douleurs. Mais Coco, tu deviens chiant maintenant. Et t’as des questions à la con. Allez, allez, Coco, écoute ce que l’on te dit, la croissance c’est bon pour toi, pour ton chômage et ton cancer, crois moi, va !
J’entre dans « Le Muy » ce qui interrompt le reconditionnement psychologique de ce Coco déviant.
Je traverse L’autoroute et là ça y est, j’arrive. C’est beau, la roche est rouge, brutale, c’est lui, le rocher de Roquebrune-sur-Argens ! Allez encore 3 coups de pédale et nous y sommes.





A demain.

Rocher de Roquebrune-sur-Argens






dimanche 27 août 2017

Etape 32 Malaucène- Volx - Mont-Ventoux par Bédoin ; dimanche 27 août 2017


Distance
129km
Dénivelé
2495m
Durée de pédalage
8h49
Moyenne
14,6Km/h
Col
Col de la Madeleine (448m), Mont-Ventoux (1911m)
Département(s)
Vaucluse (84), Alpes-de-Hautes-Provence (04)
Région(s)
PACA

Mont Ventoux

Giant ToughRoad JAG au sommet du Mont Ventoux




Direction Bédoin


Je m’en faisais une montagne et ce n’était qu’une colline.
A côtoyer les mythes, on finit iconoclaste.

Mais par où monter au Mont-Ventoux ?
3 choix s’offrent à vous : Malaucène, Bédoin et Sault.
Et pour moi, de Malaucène, il en reste 2 : par Malaucène direct, ou via Bédoin.
J’ai décidé que je ferai l’ascension par le coté réputé le plus difficile, c’est à dire par Bédoin. Lorsque l’on s’attaque à un mythe il ne faut pas jouer petits bras. Il faut savoir ce qu’il en est réellement.
Giant ToughRoad JAG en se dirigeant vers le pied du Mont Ventoux
Donc, de Malaucène, je pars en direction de Bédoin par une jolie petite route empruntant le col de la Madeleine. Au fur et à mesure que je m’élève, le paysage devient plus sympathique. Comme souvent. La vie est toujours plus belle vue d’en haut. Nos problèmes deviennent plus petits. On oublie, pour un temps, la logistique, les détails, et toutes leurs petites contrariétés, pour embrasser une vision plus globale, plus dégagée, plus respirable.
A Bédoin, c’est la cohue.
Le tourisme cycliste bat son plein en cette fin de mois d’août. Aujourd’hui, je provisionne un peu car on m’a dit que je ne trouverai pas à manger ou à boire durant cette montée ; alors, vu que tout le monde crie à hue et à dia que cette ascension est très dure, voir que c’est plus la difficile que peut rencontrer un cycliste au cours de sa vie, je fais, une fois n’est pas coutume, quelque provisions afin d’assurer mon déjeuner. En fait, je fais le plein de vivres comme si devais pourvoir au ravitaillement d’une colonie de vacances pour 1 semaine. 2 Bouteilles d’eau, fromage blanc, banane, gâteaux, fougasse, … Tout y passe. Je dévalise un magasin d’alimentation. Comme quoi, la rumeur ambiante ne laisse pas indifférent. Mon inconscient impacté par ce sournois matraquage travaille sans le savoir contre moi (le poids, cet ennemi) en refusant l’idée d’une journée, annoncée difficile, sans repas. A la finale, mon vélo, ce n’est plus un vélo, c’est un camion de livraison. J’ai vu beaucoup trop gros et mes sacoches ne peuvent accepter toutes ces victuailles. Je fixe comme je le peux tout ce bazar sur mon porte-bagage, haut-dessus de ma tente grâce à mes tendeurs ; ça commence à faire sérieusement camping-caravaning paré pour la grande transhumance à la Baule mon histoire... Bon, voyons le côté positif de cette dérive alimentaire, de cette peur de manquer : avec tous ces kilos supplémentaires, je suis paré pour l’hiver. Ainsi lesté, je peux donc maintenant commencer à monter les 23 kilomètres du Mont-Ventoux.
Le Mont Ventoux de loin

Allez, action.
Et c’est parti. Je sors de Bédoin. La montée est douce pour le moment. Tout en pédalant, j’observe le Ventoux. On se toise. La pente du Ventoux, que je peux contempler tranquillement dans cette phase d’approche, ressemble à un toit à rupture de pente : très pentue dans sa plus grande partie jusqu’au sommet (la faitière), puis très aplatie vers le bas (la gouttière). Je pédale toujours paisiblement dans la partie douce. Et puis, après le septième kilomètre, un virage à gauche. Et là, juste après, à la sortie du virage, l’ascension démarre réellement. A compter de cet instant mon compteur indiquera majoritairement, et durant 9 kilomètres, du 9% régulier avec quelques petits passages à 10%. Arrivé au lieu dit du Chalet Reynard on se calme et on repasse sur du 7% durant le 7 derniers km.
Giant ToughRoad, l'ascension du Mont Ventoux
Vers 1000m, un abris


Giant ToughRoad, l'ascension du Mont Ventoux

Giant ToughRoad, l'ascension du Mont Ventoux


Bilan de la montée ? Ça ne casse pas 3 pattes à un canard, et ce n’est en aucun cas conforme au mythe. Les mythes sont souvent décevants. C’est ainsi.

Le Ventoux est une ascension beaucoup moins violente que les cols Alpins car ici, il n’y a pas de gros pourcentages (>10%) dans lesquels vous craignez de vous manger vos rotules. Nous somme face à une montée qui est certes forte, 9%, mais qui a surtout la particularité d’être assez longue (une petite vingtaine de kilomètres de montée effective) et très régulière. Il n’y a pas de répit. Pas de petit morceau de plat ou de descente pour récupérer. Jamais le pourcentage ne baisse. C’est du 9% constant.
Et pour mon rythme de tracteur, c’est parfait. Je suis encore dans ma zone de « confort » en termes de pourcentage, et cette montée  régulière me permet de prendre mon rythme de semi-remorque sans forcer outre mesure.
Pour preuve, lorsque j’arrive au Chalet Reynard et que la partie la plus difficile est terminée, je ne suis pas encore fatigué ; et à partir de là, les pourcentages diminuent. Bien qu’ayant monté sur un rythme honorable, je me dis que j’ai dû trop m’économiser. Je décide donc de hausser un peu le rythme. Et à cet instant, 2 cyclistes Allemands tout de verts vêtus, me doublent. J’accélère, je force, je m’accroche et je les rattrape avec mon poids lourds. Je sens que ça les agace un peu de se faire coller par un vélo de grand-mère avec de si grosses sacoches. Alors, les fourbes de Teutons haussent subrepticement le rythme, jetant de temps à autres de furtifs coups d’œil en arrière pour voir si je suis encore là. Ah, que c’est moche l’espionnage… Et de nouveau, on rejoue 1870. Je donne tout ce que je peux, je chante la Marseillaise, Allons enfants de la patri-i- e, je hisse drapeau sur le porte bagage, j’appelle Jeanne d’Arc à la rescousse. Bref je fais tout. Ce que je peux.  Mais la puissance militaire Allemande, vous la connaissez, hein ? Et elle finit par me submerger. C’est Waterloo. Je décroche, la mort dans l’âme et le cœur en sur régime. Les jambes me brulent. La chimie de guerre Allemande (là, on passe en 1914), sans doute… Ils ne reculent décidément devant rien ces Schpountz. Je capitule. Pour le coup, là, j’ai forcé. Et je suis atteint. Je le paierai dans le dernier kilomètre au dénivelé plus important.
Il faut que je le confesse. Durant toute cette montée, je n’ai pu doubler personne avec mon tracteur. Enfin, si ; ceux qui étaient arrêtés. Je me suis toujours fait doubler en fait. Mais je suis monté élégamment, genoux bien parallèles au cadre, sans souffler comme un bœuf, et souvent debout, dans un joli (enfin j’espère) mouvement de danseuse bien souple. Aujourd’hui, j’étais en forme.
Que ce soit à la montée, au sommet, ou à la descente (à Mach 12, car en descente j’ai quelques beaux restes) mon vélo a fait sensation. Certains, même, en montée me prédisent que « ça ne passera pas avec tout ce poids ». Je laisse causer ces petits bras… Et je pédale...

Maintenant une remarque générale sur le cyclisme et une remarque particulière sur le cyclisme autour du Mon-Ventoux.
Le cyclisme est une activité d’extérieur. C’est avant tout une promenade dans la nature. C’est le plaisir d’observer, de respirer (et avec les pots d’échappement des mazouts, je peux vous assurer que l’on est souvent bien servi), d’admirer, de penser.
Alors naturellement, le cycliste appréciant, profitant, se délectant de l’environnement, on pense que le cycliste protège ce qu’il aime et ce dont il jouit.
Et bien aujourd’hui, ici, au Mont-Ventoux, j’ai été dans l’obligation de revoir ce genre de raisonnements simplistes.
Aujourd’hui j’ai eut honte d’être cycliste tant les bas côtés de la route étaient couverts d’emballages dont l’origine ne faisait aucun doute : c’était « Power truc », « machin Bull » et compagnie. Tous les déchets de cyclistes crado qui craignent : 1) de ne pas pouvoir monter s’ils n’ont pas leur cochonneries d’alimentation censée les doper, 2) d’être trop lourd si d’aventure ils avaient l’idée saugrenue de conserver dans leur poche de maillot l’emballage vide de leur cochonnerie une fois qu’ils l’on avalée. Alors ils balancent par la fenêtre… Comme dans leur voiture. Pour être plus léger sans doute ?
Alors je pose la question : ma grand-mère qui faisait du vélo tous les jours se nourrissait-elle de ces saloperies hors de prix, de ces choses dites énergétiques pour cyclistes mous du bout ? Non. Et pourtant ma grand-mère faisait certainement plus de kilomètres dans l’année que tous les « Mont-Ventoux Finisher » qui balancent leurs déchets par terre. Cyclistes et autres amoureux du sport et de la nature, arrêtons de consommer toutes ces saloperies inutiles que la publicité essaye de nous fourguer à prix d’or. Restons simple : eau,  fromage, fromage blanc, fruit et basta. Vous pouvez même vous envoyer des cotes de porc. Tiens, je me rappelle d’une émission sur les premiers tours de France ou il était précisé qu’un coureur, alors célèbre, mangeait durant chaque étape, 17 côtes de porc qu’il emmenait dans sa besace. Emmenez donc des cotes de porc empaquetées dans un torchon et arrêtez avec vos cochonneries entourées d’une multitude d’emballages. Précisons que ces coureurs n’avaient pas une myriade de voitures d’assistance qui les suivaient. Ils étaient autonomes, emmenant, croisés telles des cartouchières sur leur torse, pneus et chambres à air de secours. Ils faisaient un Tour de France 2000km plus long que celui de nos jours, sur des routes non bitumées, avec des vélos lourds qui, lorsqu’ils en étaient équipés, avaient un nombre de vitesses ridicules. Serions-nous à ce point devenus des demi-portions qu’il nous faille tout un tas de trucs très polluant pour réaliser 50% de ce que faisaient nos ainés ?
Mais le Mont-Ventoux est une sorte de grand supermarché du cyclisme. Et vous avez-vu la saleté des parkings de supermarchés ? On trouve donc au Mont-Ventoux tout ce que nos économies de marché peuvent produire de pire : égoïsme et destruction des biens communs.
Giant ToughRoad JAG au sommet du Mont Ventoux

Giant ToughRoad JAG au sommet du Mont Ventoux

Giant ToughRoad JAG au sommet du Mont Ventoux



Giant ToughRoad JAG au sommet du Mont Ventoux

Giant ToughRoad JAG au sommet du Mont Ventoux


 Le sommet du Mont-Ventoux menace de s’effondrer tant il y a du monde. C’est blindé ici. C’est la surpopulation. 7 milliards d’humains se sont donnés rendez-vous aujourd’hui pour admirer le panorama. Et on frise le délire commercial. Il y a même des tours opérateurs cyclistes qui montent avec camions et remorques pour assurer une maintenance de proximité à leurs « clients ». Service royal au prix d’une débauche de pollution. Celui-là, le chérubin, redescendra en camion, celui-ci, l’incapable, à besoin d’un mécano, l’autre là-bas a faim et n’a pas amené son alimentation avec lui, trop lourd : bref tout un univers d’assistés se concentre au sommet.

Mais, comme partout la population est diverse. Et il ne faut pas se focaliser ni sur les plus nombreux, ni sur les plus bruyants, ni sur les plus polluants. Il y a quelques fous avec de jolis rêves plein la tête. Tiens, on m’interpelle : « Comment de kilos le vélo ? » Et puis la discussion s’engage et le lascar m’apprend un truc intéressant : Il en est à sa deuxième montée de la journée, par Bédouin d’abord, par Malaucène ensuite, et il va se faire un allez et retour à Sault afin d’assurer la 3ème montée. Carrément balèze. Il fait partie du « Club des cinglés du Mont-Ventoux » qui se charge d’homologuer ce genre d’exploit : 140km avec 4400m de dénivelé dans la journée, voilà qui force le respect. Là le Ventoux prend toute sa dimension. Voilà un beau défi qui va me permettre d’alimenter mes rêves...

Si je n’ai pas éprouvé de difficulté particulière lors de cette ascension pourtant mythique, il y a quelques raisons.
Aujourd’hui j’avais la forme. J’étais bien sur mon vélo. C’est probablement le bienfait de ma journée de repos d’hier. De plus, la météo était idéale : 35-36° constant sur mon compteur, ciel voilé, pas de vent. On est très loin de mon passage au Galibier avec ses 90km/h de vent de face, la pluie, le grésil et les 6°. De plus, le genre de montée régulière du Mont-Ventoux me convient bien. Il n’y a pas d’à-coup, pas de murs difficile, rien. Parfais pour moi, je peux prendre un rythme régulier et monter tranquillement. Et puis, mon vélo est une vraie mule : obstiné, costaud, constant, il me monte partout. Il ne semble pas possible de l’arrêter. Il passe doucement mais partout. Son braquet de 28X36 a été parfait pour cette ascension. Et puis, il y a un autre élément important. Je suis en fin de vacances, donc au summum de ma force. Car n’ayant pas d’activité physique au cours de l’année, je commence l’entrainement pendant mon voyage. Alors forcément, à la fin, la forme progresse, mon poids régresse, et tout va pour le mieux. Et le poids du vélo n’est pas un réel problème. Il y a certes quelques inconvénients, on monte moins vite et on ne peut pas lâcher les mains du guidons, mais il y a aussi des avantages : on a des vêtements chauds pour les descentes et on peut dévaliser les magasins d’alimentation pour la montée du Mont-Ventoux… Et puis à ce niveau de poids, 42kg vélo chargé, on peut rajouter 5kg sans percevoir une quelconque différence.

Je profite un peu de la vue du sommet du Mont-Ventoux, et puis je fuis la surpopulation et je redescends vers Sault. Je préfère nettement les paysages de ce coté, et la ville de Sault me charme. Je me promets d’y revenir prochainement. J’avais prévu de planter ma tente dans les environs, mais aujourd’hui, je suis franchement en forme, alors je continue. Et je me régale encore des magnifiques paysages de cette partie Est du Vaucluse, et des Alpes-de-Haute-Provence. Je finis de nuit, c’est devenu une habitude, dans un endroit particulier dont je vous parlerai demain.

Car il est tard.
Et ce coup ci, je suis fatigué.
Alors bonne nuit et à demain.

En descend vers Sault


Sault

Giant ToughRoad JAG au pied du Mont Ventoux, à Sault
Sault

Sault

Simiane-la-Rotonde







Etape 34 Fréjus - Nice ; mardi 29 août 2017

Distance 71km Dénivelé 513m Durée de pédalage 3h38 Moyenne 19,4Km/h Col(s) ...